vendredi 6 octobre 2017

2 : El Flaco

Tout benêts, Nous n’avons pas compris que le vol Bogotá-Medellín était supprimé du fait d’une grève d’Avianca, et reporté en retard sur un autre avion qui Nous a embarqués comme des innocents, et Nous, ça Nous allait. A l’arrivée, bien préparée par Anne (même la grève, supposons-Nous), un gars tenait un panonceau affichant "Sylvie Hurteaux".
Comme des loirs dans l’apparthotel Ferjaz.
Le trajet en car Nous mène en neuf heures à Necocli, seuls dans ce véhicule pour la dernière étape, à croire que personne ne va à Necocli. Un tuk-tuk très sympa clôt le trajet pour 3000 pesos.

Les tuk-tuk colombiens

Les pesos colombiens se déversent à la pelle sans parcimonie, c’est comme ça. D’ailleurs Nous comprenons mal les transactions que Nous effectuons avec les distributeurs qui proposent... des dollars ? Demandez 300 dollars et voilà 300 000 pesos : c’est louche qu’il n’y ait pas de petites coupures ni de monnaie. On fait avec. En fait, c’est presque comme en Iran : ajoutez trois zéros aux "dollars", et sachez que le symbole peso est frère jumeau du symbole dollar : malgré vos doutes, vous avez bel et bien demandé 300 000 pesos et vous les avez reçus !
Devant l’entrée de l’hôtel, ils sont deux, et dans l’embrasure de sa porte, il n’y en a qu’un : les militaires en gilet pare-balles qui protègent toute la nuit les touristes pleins aux as avec leurs 300 000 pesos. C’est moi qui croit ça, bien que Quentin Nous ait dit que Necocli "craint moins" que Turbo. Comme des loirs malgré la tempête infernale qui rugit aussi bien que les vents dominants en février à Roscoff (mais tiède).
(chaque fois que j’écris “Nous” une majuscule s’impose et je renonce à la remplacer, c’est sans aucun doute, sur ce clavier colombien, un signe obligatoire de grande considération pour les étrangers ou peut-être pour Nous seuls et nos 300 000 pesos).

 Au départ de Necocli

Une fois nos bagages portés en chariot sur cette jetée, le bateau va faire la traversée

Le plus imprévu, après la tempête furibonde de la nuit, fut la traversée du golfe en bateau sur 65 km vers Capurgana. Empaqueter hermétiquement les bagages pour les imperméabiliser (illusoirement), et distribuer des gilets de sauvetage aurait dû Nous alerter. Le bateau entasse une centaine de passagers, sans aucune protection au-dessus de la coque, si ce n’est une bâche qui fait toit. Il possède trois énormes moteurs de 300 chevaux rugissant. De son côté, la mer possède une houle, qui sans être énorme, déferle face à Nous. Ça dure plus de deux heures, disons presque trois, pour les passagers recroquevillés, tout aussi violemment aspergés que dans les répressions des manifestations vénézuéliennes, mais avec de l’eau tiède, c’est mieux. Les enfants pleurent les yeux fermés car l’eau trop salée brûle comme citron pressé. Les derniers rangs prient la tête dans les mains et dans les genoux, c’est la pire place. Évidemment, avec la houle qui Nous bringuebale, c’est simultanément lavage, rinçage et essorage. Mais il y a des barres pour se cramponner. Quentin a déjà chaviré, mais je ne sais si c’était le même bateau, et Nous c’était plutôt à la bonne saison.

Impossible de photographier vers l'avant,
très difficile vers l'arrière, à la va vite, sous la cape de pluie.
Vous voyez les passagers en prière sur le dernier rang.

Arrivée à Capurgana

Il Nous attendait sur le débarcadère avec Tinto et Christian, originaire de Cali, qui est responsable de sa lancha (une barque effilée à la proue relevée qui permet de véhiculer les clients jusqu’à l’hôtel et pour les excursions : il Nous mènera ainsi au Panama).

Christian, en route vers le Panama

 Tinto, le chien espagnol de Quentin, que j'ai hébergé
et soigné de sa leishmaniose pendant un an,
adore les excursions dans la jungle et les ballades en mer

La lancha de Quentin à l'embarcadère de l'Aguacaté 1 (chez lui)

Quentin n’a pas Grossi (par provocation le g aussi se met d’office en majuscule, vu la malédiction que ce terme est pour moi et ma descendance mâle). Ici, où les sobriquets s’imposent, il est “El flaco” qu’on peut traduire par “l’efflanqué”. La population est prévenue que c’est génétique, et ne doit pas s’apitoyer sur moi, ni craindre une sorte de contagion. C’est même considéré comme rassurant pour la santé de Quentin d’exhiber son père qui survit dans ce gabarit jusqu’à un âge avancé. Mais quand même il est un peu pâle, c’est la vie sous les tropiques. Il a un visage plus émacié qu’autrefois, avec une ossature accentuée. Quand je prédisais revenir hâve de ce circuit dans la jungle, je ne croyais pas si bien dire. Pourtant sa renommée est de n’être jamais malade, contrairement à TOUTE la population : c’est ce que j’appelle prétentieusement notre invulnérabilité (secondaire à notre efflanquement). 

 
Après la tempête, deux jours paradisiaques, et maintenant orage nocturne et pluie continue (c’est pour ça que j’écris). La côte est somptueuse avec falaises et végétation foisonnante : arbres majestueux, immenses manguiers, bananiers et cocotiers, hibiscus à gogo. La faune n’est pas en reste, singes hurleurs, paresseux, iguanes, toucans et perruches. Les pélicans, les frégates et les aigles volent en escadrilles. Il semble que ce petit coin soit plus riche que le parc naturel que Nous avions prévu de visiter.


Pierre

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