mercredi 18 octobre 2017

10 - Perdre l'insouciance : la Guajira




La péninsule de la Guajira est située à la pointe septentrionale de l'Amérique du sud. C'est une zone désertique unique en Colombie où les couleurs d'ocre et de turquoise rivalisent avec celles de Carthagène.

 Entre Cabo de la Vela et Puerto Bolivar

C'est une zone peu accessible qui exige de longs trajets en 4x4 par des pistes cahotiques ou embourbées. C'est encore une zone de non-droit frontalière avec le Venezuela et propice à des trafics trop juteux, très dangereuse dès qu'on entre dans le "désert" où des pistes improvisées exportent la drogue vers les States.


Le non-droit concerne aussi les sites touristiques ou l'Etat ne vient prélever aucune taxe ni aucun impôt, mais ne fournit ni électricité ni eau courante évidemment.
Mais c'est aussi le lieu de vie de la tribu indienne des wayuus, qui représentent environ 45% de la population.

Punta Gallinas, l'extrême nord de l'Amérique du sud

Je me suis baigné dans une eau jaune, sous la dune géante de sable fin que l'on dévale en courant pour se jeter dans les rouleaux monstrueux qui s'exaspèrent sous un vent rugissant.
Le vent rugissant vous encroûte de sable depuis les cheveux jusqu'aux ongles des orteils, mais les rouleaux monstrueux vous lessivent en un tour de main et en un tourneboulis frénétique parmi les bulles. Non, il n'y a aucun danger, les rouleaux vous ramènent toujours sur la plage. Le seul danger est de perdre son short car la violence des vagues est pernicieuse. Je l'ai toujours rattrapé à temps car il est jaune mais plus vif que l'eau et je ne passais pas inaperçu, c'est rassurant pour les sauveteurs et il ne servait à rien de le perdre puisque je n'étais pas dans le parc de Carthagène.
Je dis ça par pure forfanterie.

Si vous voulez me croire, je suis au milieu de la photo



 Les coeurs de cactus qui servent aux indigènes pour bâtir les maisons et les palissades

 Un exemple d'utilisation dans un hébergement touristique

Pendant que je batifole ainsi, les enfants des indiens dressent sur la piste de dérisoires barrages d'une seule corde pour arrêter les voitures et tenter de leur vendre les fruits des cactus dont les cœurs, liés entre eux en palissades, constituent les murs et le toit de leurs cahutes. Malheureusement le chauffeur du 4x4 klaxonne comme un furieux pour que s'abaisse le barrage sans qu'il ait à freiner dans sa course folle, et passe en trombe devant les gamins dépités.
Entre mon insouciance et leur abandon, le monde a basculé.
Cela qui désole les passagers n'est rien à côté des mœurs de ces tribus hors du commun dont certains de leurs propres enfants sont leurs propres esclaves, sous prétexte qu'ils sont déficients (à cause de la consanguinité, de la malnutrition et de l'alcoolisme).
La Guajira serait la région de Colombie la plus arriérée où sévit une malnutrition endémique, aggravée par la pénurie d’eau, sur laquelle Bogota ferme les yeux. Par une rencontre inattendue, nous avons touché du doigt le calvaire de ces enfants défavorisés dont la vie n'a aucune valeur aux yeux de leurs parents.


Dans le restaurant qu’ils venaient d’ouvrir pour soutenir leur fondation, nommée Juya qui signifie « pluie » en langue wayuu et évoque ainsi ce qu’il y a de plus précieux dans le désert de la Guajira, deux jeunes français de 28 ans se dévouent contre vents et marées pour la cause de ces enfants. Contre vents et marées signifie qu’ils se heurtent à l'ignorance, mais surtout à l’hostilité violente des trafiquants autant qu’aux intérêts des communautés qui campent sur leur sectarisme et leur xénophobie aggravée par l'immigration vénézuélienne. Leurs premiers bâtiments ont ainsi été détruits et les intimidations sont allées jusqu’à leur séquestration et la mise en danger de leurs vies de façon très précise. Ils poursuivent cependant leur action avec à la fois une inquiétude permanente et un détachement réfléchi. Lors de notre passage, ils venaient de recueillir un enfant d’une dizaine d’année, inapte à la parole, qui lapait accroupi une flaque saumâtre dans le désert. L’un d’entre eux, plus prolixe, polyglotte et détenteur de plusieurs nationalités, a suivi des études de sciences politiques, de casuistique et de linguistique à Paris. Il nous a semblé très énigmatique sur ses origines et a exacerbé notre curiosité. Nous avons compris que cette  discrétion, que nous respectons ici, reste indispensable à leur sécurité, pourtant mal assurée à nos yeux… 
L’adresse du site de leur fondation est : www.soyjuya.org

 La pêche et les loisirs à Cabo de la Vela

Ce côté sombre de la Colombie que j'évoquais dans mon précédent message est le pire de tous, et il faut avoir l'espoir chevillé au cœur pour espérer que le développement du tourisme permettra d'élever le niveau de vie de la population avant celui des tours-opérateurs : le spot de Cabo de la Vela est en effet un incontournable du kitesurf colombien et s'y retrouvent tous les acrobates des sports aquatiques.

Quentin

Oui, j'ai quitté un instant mon insouciance, une fois n'est pas coutume. 

Pierre

1 commentaire:

  1. Ah ! Quentin, tu es toujours aussi bon !
    On reconnaît l'habitué de ce merveilleux sport.
    Bravo !
    Cathy

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