C'est sot de ma part de parler d'antiaméricanisme quand je
n'ai pas d'hostilité envers la Colombie, ni envers la plupart des pays du continent : les colombiens sont bien sûr tout aussi américains que les habitants des USA, qui n'ont pas de nom puisque le néologisme "états-uniens" a fait long feu.
Parlons donc d'américains sans exclure les 3/4 des habitants
du continent.
Je précise donc que je souffre de répulsion
envers les politiques et les diktats de Washington, ça ne va pas plus loin. Et j'apprends qu'en 1903 ce sont bien les USA qui ont fomenté et soutenu un mouvement d'opposition dans la province colombienne du
Panama, pour créer de toutes pièces un état fantoche à leur botte, et creuser le canal sans
rendre de comptes à Bogotá (ni même à Panama city) en engrangeant unilatéralement des bénéfices monstrueux.
Il n'y aurait jamais aucune autre motivation aux ambitions
colonisatrices.
Les descendants des indiens Tayronas (Kogis et Arhuacos)
sont vêtus de blanc et portent, hommes et femmes, les cheveux longs.
Pour m'en convaincre et oublier le conditionnel, il m'a suffi de lire la littérature
sud-américaine. Après Gabriel Garcia Marquez, je suis passé à Mario Vargas
Llosa.
Le premier livre choisi était très drôle, très léger, et
très attractif : "Le héros discret".
Le second est dramatique, anxiogène et désespérant :
"Le rêve du Celte".
Il s'agit d'une biographie de Roger Casement, de moi
totalement inconnu avant cette lecture. Roger Casement, à la fin du IXXe siècle et au début du XXe a
enquêté pour le compte du Royaume Uni sur les exactions monstrueuses de la colonisation belge au Congo,
puis sur les traitements sadiques des caoutchoutiers envers les indiens péruviens. Par la
suite son nationalisme irlandais l'a incité à s'allier aux allemands lors de la première guerre mondiale
et à être alors considéré comme traître, puisque l'Irlande était sous tutelle britannique.
A l'époque, les rapports détaillés de ses enquêtes effectuées sur place ont
bouleversé l'opinion publique en Europe et en Amérique, et permis une prise de conscience
internationale sur les conditions de survie des populations indigènes. La lecture de cette biographie, pourtant moins précises que les rapports initiaux sur les tortures systématiques et multipliées, reste éprouvante et mortifère.
Qu'un écrivain puisse passer ainsi d'un sujet romanesque
distrayant à un sujet historique dramatique avec autant de séduction signe certainement un talent exceptionnel.
Mon sort de "volontaire" chez Quentin est
paradisiaque à l'évidence. Moi qui voulais vous apitoyer, comment le pourrais-je ? D'autant que j'ai un grand plaisir à
jardiner ici comme à Roscoff. Après avoir creusé à une profondeur dérisoire les tranchées nécessaires aux
évacuations de la nouvelle "cabane", tranchées qui ne sont que des saignées dans une terre meuble
sans gros cailloux, mais quand même exigent une position peu confortable sous le plancher, et un dos
insensible aux heurts dans les poutres, sans parler du ruissellement de la peau sur laquelle colle la poussière
soulevée dès le premier coup de bêche, qui soit dit en passant est peu performante, tout ça avec un
nez qui coule pour agglutiner la terre dans la moustache (quelle ineptie, les poils dans cette
ambiance !), une toux de cachectique, des poumons qui font semblant de partir en miettes, et des
nuits j'en parle pas, après avoir creusé, disais-je, il fallait camoufler les tuyaux qui quittaient la
cabane à travers le jardin.
C'est là que cela devient intéressant, et je pense à tous
les amateurs de jardinage, une race tout à fait à part, totalement étrangère au reste
de l´humanité : il y a bien deux sortes d'êtres humains, les indifférents à la terre (je ne les
exclue pas, ils peuvent être charmants malgré ce handicap), et les autres, l'élite choisie à qui je m'adresse ici. Imaginez que pour
peupler votre jardin d'essences variées, colorées, prospères, pleines de bonne volonté pour croître sans anicroches,
menacées ni par la sécheresse (en cette saison), ni par le gel (jamais), ni par la pauvreté d'une terre riche d'humus
amassé, il suffit de faire quelques pas à droite, à gauche ou derrière, dans la jungle épaisse, énigmatique et sonore, mais exubérante et prolifique, pour
récolter tout ce dont vous avez envie de planter avec la foi du charbonnier ! La complaisance de la Nature fait alors des prouesses : la moindre branche brisée se garnit de tendres feuilles prometteuses en quinze jours à peine.
Le ravissant arbre panaché qui m'a fourni les boutures
Croiriez-vous que ces feuilles à nervures jaunes se sont développées en un mois
sur une simple branche prélevée sur l'arbre panaché, déplumée puis plantée ?
Une grosse pierre en arceau bloque le tuyau d'évacuation.
Cette plante acérée, récoltée dans la jungle, dissuade de monter sur la pierre.
Craignez seulement les fourmis carnivores lilliputiennes qui
rendent fou, et leurs grandes sœurs qui ratiboisent un arbre dans une journée. Le paradis et l'enfer sont intriqués depuis la nuit des temps bibliques. Le piment de la vie est bien là, n'est-ce pas, Felis Navidad ?
Les fourmis au travail découpent et transportent toutes les feuilles d'un arbre.
Je vais renoncer aux pépinières et écumer désormais le
voisinage roscovite de ma maison pour peupler mon jardin. Par manque de confiance, j'ai quand même préparé les
boutures que je vais importer, peu certain de les trouver chez toi, Marie-Hélène K.
Pierre
Version de Sylvie :
A Capurgana, chez Quentin, vivent les descendantes
d'Attila !
Colonne par une, deux ou trois, elles tracent au propre comme au figuré. Elles sont capables de vous déplumer un arbre de deux mètres totalement, plus une seule feuille. Elles portent leurs trophées sur le dos, tenus par leurs mandibules. C'est ainsi qu'elles se promènent avec un bout de feuille, cinq fois gros comme elles. De loin, on voit des petits bouts verts qui déambulent en file indienne, sur les troncs ou sur le sol, en lignes mouvantes. Quentin a vu nombre de ses plantations, potagères ou non, totalement ratiboisées. Lorsqu'elles jettent leur dévolu sur quelque végétal, il est cuit. Vous aurez reconnu les fourmis.
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