samedi 14 octobre 2017

7 : Rothko à Carthagène



Nous écumons la côte caribéenne avec Quentin. 
Non, Marie, "écumer la côte" n'est pas une prouesse.
La prouesse est plutôt dans les véhicules. Je vais faire bref et soft.


Dans les cars, sur les routes enrobées en dentelle, les cahots qui nous projettent en hauteur fracassent plus ou moins (je dis « plus ou moins » pour rester réaliste sous la censure) le crâne de Quentin, qui est grand, contre le plafond, et il hurle sur un fond de musique permanent qui nous abrutit, dans un rythme binaire primaire, avec un accordéon lancinant et un chanteur qui radote (même pour ceux qui ignorent les mots, c'est dire).
Ce type de musique caribéenne caractéristique, chanté par un petit gros moustachu, est pire que les cahots, et se nomme vallenato ou reggaeton. 
Moi, quand je retombe après les cahots, j'effondre mon siège. Pour ne pas parler de prouesse, j'entends simplement les coutures craquer, un peu, un peu, un peu plus. De façon à vous faire comprendre de quoi il s'agit, n'oubliez pas que je suis léger, tirez en des conclusions, vous-mêmes, je ne veux pas me vanter.


Dans les voitures, pour la musique, c'est pire, plus violent, mais on y pense moins car elles roulent sur des pistes inapparentes avec une frénésie pathologique, et nous on brinquebale sans être attachés. J'ai calculé que si la voiture fait un tonneau, ce sera sur 87 mètres (donc plusieurs tonneaux). Pour Marie exclusivement, les tonneaux ne sont que deux et sur moins de douze mètres.
En plus, avec la clim à fond, je divague assommé par un rhume gluant et une sinusite. Donc ces chiffres sont sujet à caution dans les deux sens. Tant pis pour la précision.


Je ne comprends pas pourquoi Carthagène des Indes ne faisait pas partie de ma mythologie géographique établie à l'adolescence, avec Samarcande, Kachgar et Goa.
Ne seraient-ce que son nom, les Indes occidentales, et la chaîne qui barrait l'entrée de la rade pour retenir les pirates et les anglais. J'aurais voulu traverser la Boca Grande suspendu à la chaîne. Ç'aurait été de nuit, bien sûr, un soir de tempête, avec les poches lourdes des émeraudes raflées aux pilleurs espagnols.


 A Cartagena de Indias, j'ai fait concurrence à Mark Rothko, le peintre américain des faux monochromes. C'est certainement une prouesse. J'ai photographie 51 fois les murs colorés à 80 cm de distance, là ou aucun détail ne vient fixer l'attention, en choisissant bien la juxtaposition de deux pans colorés différents, selon les proportions du nombre d'or. Le nombre s'applique à la surface ou à la largeur, si bien qu'il est très fluctuant en réalité, et peu contraignant. Pour ceux qui n'y croient pas, voici les photos.


L'ennui, c'est l'attroupement quand les passants ne voient rien sur le mur devant moi, sauf le mur bien entendu. Il y a comme une question dans l'air, sur la préciosité soupçonnée de ce mur ou sur ma santé mentale, selon l'imagination des spectateurs. Et maintenant selon celle des lecteurs...
Vous en dîtes quoi ? 

 
Pour ceuxqui sont déçus, je les rassure, nous reviendrons à Carthagène, et je jouerai plus classique. Je les console aussi : vous avez échappé aux trois quarts de ma collection de faux Rothko. Le choix a pourtant été difficile.


Un vrai faux Rothko !

Pierre

1 commentaire:

  1. C'est primaire, mais très joli toutes ces teintes.
    Et de penser que ce sont des maisons, mais déambuler dans les rues, doit mettre en joie
    C'est sans doute pour ça que la musique hurle tout le long du jour : les gens sont gais naturellement !
    Cathy

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