samedi 28 mars 2020

24 - Les joies de la plage

Cabo Tiburón, à la frontière du Panamá

Vous avez des images d'eaux turquoise, de peau dorée, de cocktails frappés, tous adjectifs qui manquent d'imagination. Renoncez à vos stéréotypes !
Oui, c'est bien la mer des Caraïbes qui vous attend, mais ne vous contentez pas de votre exubérance naturelle, faîtes preuve... d'audace !
Vous allez en avoir besoin pour affronter les plages.
La mer est belle, c'est sa nature.  La nacre de l'écume réfléchit la lumière crue du zénith. Les rouleaux ronronnent comme des félins qui digèrent.
Voilà le décor en place. Le décor est-il toujours une illusion ?



En l'absence de sa mère et de sa grand-mère, Alice "gardait" son grand-père, qui jouait avec de petits cailloux alignés, sur la plage de l'Aguacate. Il lui avait attribué les blancs.
Puis il fut question d'aller nager. J'avais bien retenu qu'Alice devait porter le bandeau qui protège ses oreilles équipées de diabolos, et les brassards qui facilitent la flottaison.
Avoir l'oeil sur le bandeau et les brassards, ce n'est pas surveiller les vagues.
Une déferlante insidieuse et disproportionnée n'a fait qu'une bouchée des baigneurs inconscients, qui ont disparu ensemble dans les remous, avant d'être rejetés sans ménagements sur les galets.
Alice a apprécié cette expérience avec une nonchalance tout à fait admirable, à peine éraflée à la hanche gauche.
Si mon rythme cardiaque s'est affolé pendant sa disparition dans les remous, le sien ne bronchait pas lors de sa réincarnation : poumons ou branchies alternent chez elle avec beaucoup de naturel.
Sur le sable, mon genou ensanglanté ne recueillait qu'indifférence. "C'est pas grand chose".  J'en ai encore les marques, mais, bien sûr, Alice a toujours raison, et je ne suis pas pleurnichard.
Las, à l'Aguacate, ce jour-là, la baignade a cessé...



Dans la crique censée abriter l'embarcadère privé de Katchikiné, en cette saison ne s'aventurent ni nageurs, ni plongeurs, ni pêcheurs, encore moins les lanchas.
La crique fait face au nord.
La brouette qui porterait vos bagages sur le sentier sans dénivelé peut bien vous narguer, vous ne l'utiliserez pas, ni là, vous n'y débarquerez pas, ni sur le sentier effondré par les mules qui monte et descend de l'Aguacate  : c'est presque  une passerelle non carrossable de pierres instables, longée qu'elle est de deux fossés profonds.
Dans cette crique, tenter le bain n'est pas même envisagé...



Sur la plage BCBG (mais publique) accaparée par l'hôtelier allemand qui voisine avec Quentin, vous serez clients de Katchikiné. Ce sera votre identité.
Du fait de cette origine plébéienne, rappelez-vous la coopérative agricole, vous "ferez tache" parmi la clientèle huppée que reçoit l'hôtelier.
Malgré les injonctions de Quentin qui exige décence et style (mais oui !), sans scrupules vous porterez une casquette inversée et des tatouages pour affirmer votre différence.
Mais votre courage ira-t-il jusqu'à affronter les rouleaux sachant que les coraux qu'ils dissimulent sont des lames de rasoir ?
Vous attendrez la saison des pluies qui calme Poséidon, et ce n'est pas en mars...



Devant la piscine naturelle idéale pour Alice, vous aurez scrupules à garder les bras croisés.
Vous bâtirez un conteneur quadrilatère de troncs pour y accumuler les déchets vomis par les flots brisés.
Pulluler, verbe qui définit la présence des déchets, est un euphémisme.
Vous remplirez le conteneur à ras bord, le couvrirez de palmes esthétiques avant de ratisser le sable, de façon à ce que la nièce du prince s'ébroue dans l'eau avec grâce et contentement dans un cadre à sa mesure. Mais vous immergerez à peine vos chevilles (déformées par l'inclusion de filaments de verre, je vous le rappelle)...



Ah ! Quand même, vous marcherez pendant deux heures sur un sentier périlleux, puis d'interminables escaliers, dans la jungle étouffante, après avoir dû apprendre le nom des serpents, des araignées et des plantes carnivores dont c'est le royaume.
Loin du prince qui règne ailleurs, menacés en outre de rester à jeun toute la journée (confinement oui ou non ?), vous vous rendrez à Sapzurro où l'anse est protégée des fureurs du large et dépourvue de coraux, où le sable est propre et la compagnie accueillante.
Vous aurez enfin réussi à nager dans les eaux tièdes des Caraïbes.
Sans préavis, vous prendrez conscience de n'être qu'un passager entre deux horizons !

C'est un peu exagéré ce compte-rendu, car à l'Aguacate, quand sa mère est présente, Alice nage en toute quiétude, et nous aussi.







1 commentaire:

  1. J'ai beaucoup aimé cet épisode, d'un jour de vacance, où les vagues sont à l'honneur, et la petite fille, bien téméraire !

    RépondreSupprimer