Medellín aujourd'hui, depuis le "metrocable" qui a désenclavé les quartiers redoutés
Hier, à Medellín, Pablo faisait la Loi. S'il décrétait le
couvre-feu, par pure souci d’autorité, sans bénéfice pour ses petites ni
grandes affaires, Bogotá restait coite, les rues sombres s’engouffraient
dans le silence, les soirées se vivaient claquemurées.
Aujourd'hui les paisas (les habitants de Medellin) vivent dehors,
parmi les œuvres de Fernando Botero
Hier, Pablo faisait la Loi et offrait ses services financiers en proposant au gouvernement de racheter la dette de la Colombie. Oui, Pablo pouvait financer l’État, son coffre-fort recelait plus d'avoirs que le budget de la Nation.
Aujourd'hui, la ville respire la liberté
Hier, Pablo faisait la Loi en attisant la guerre civile. Les
habitants de Medellin en étaient les victimes ou les tortionnaires.
Non, en fait, les habitants étaient les victimes ET les tortionnaires.
Le système était ainsi fait, chacun était impliqué, par ses pensées, ses actions et ses omissions, dans les deux camps.
Les taxis de Medellín sont réellement un modèle d'honnêteté et de sécurité.
La plaque minéralogique figure sur chaque côté et sur le toit du véhicule.
Le compteur est parfaitement visible des passagers contrairement à Carthagène.
Les
guides touristiques s’éditent toujours sous l'influence de Pablo : ne
prenez jamais de taxi en dehors de l’hôtel, ne sortez jamais de nuit, évitez les quartiers périphériques, ne buvez pas l'eau du robinet, ne
vous faites pas piquer par les moustiques, ne
traversez pas en dehors des clous, soyez sans intentions, ne pensez pas, n'agissez pas, n'omettez rien. Nous avons suivi ces préceptes au contre-pied avec la bénédiction, ou plutôt les encouragements de Quentin.
Nous sommes arrivés deux fois de nuit.
Nous
avons hélé les taxis dans la rue, pris le métro 4 fois chacun (mais
ensemble, rassurez-vous, vous qui voulez du bien à Sylvie).
Notre hôtel est de l'autre côté du fleuve (mais pas sous les arbres).
Nous raffolons des jus de fruits étendus de glaçons, c'est-à-dire d'eau.
Du jardin botanique Sylvie est revenue constellée de piqûres.
Le jardin botanique est notre coup de cœur dans cette ville frénétique
Les
rues sont un grouillement intarissable de créatures humaines en tous
genres. C'est vite infernal pour nous, pauvres petits roscovites qui
fuyons le port au mois d'aout. Donc, nous sautons d'un trottoir à
l'autre au milieu d'un flot de voitures décérébrées.
Nous
agissons sans préméditation, mais sans scrupules, avec souvent un regard
vague et l'air bête à manger du foin (avec beaucoup de naturel quand on nous interroge, vous l'avez deviné).
Nous
ne méditons sur rien, nous gobons tout, et ça vaut mieux. Ainsi nos
intentions ne sont claires ni pour eux, ni pour nous. Eux ? Les Paisas, les gens du cru (prononcez "païssa").
Nous omettons tout : de
comprendre les mots, de comprendre les prix et de comprendre les itinéraires. Je crois que nos cervelles sont étanches et inamovibles, je
crois que c'est une ivresse, Sylvie dit "Parle pour toi !"
Un
exemple : nous avons acheté les quatre cartes postales du pays (il faut vraiment tomber dessus avec une chance
de pendu), et acheté 12 timbres grand format pour l'affranchissement
dans un magasin de souvenirs où ils avaient échoué depuis Mathusalem. Tout cela a l'intention de ma mère qui attend notre retour, en s’inquiétant pour elle-même, pas pour nous.
Nous
nous croyions vernis. C’était sans savoir que "La Poste" n'existe pas
ou si peu. La poste s'appelle ici "472". Ma sœur et ma cousine ne le
croiront pas, mais j'ai reçu, pour me consoler, le témoignage d'une de
mes lectrices très avertie (qui a convolé avec un latino, hou ! la ! la
!) et qui est disposée à confirmer que je suis resté en deçà de la vérité depuis que
je vous écris et édulcore mes propos à cause de ma famille.
Donc
La Poste, c'est "472". Malins comme vous êtes, vous comprenez d’emblée qu'en espagnol 472 est
beaucoup plus complexe à articuler que quelque chose comme "correo
postal" (?). Il
faut encore savoir que le 472 est inutilisé par 99,99% des colombiens
qui en ignorent l'adresse ou même l'existence, que c'est donc un tout
petit bureau situé parfois à l’étage ou à la cave.
A
Carthagène, après être passés trois fois devant et avoir été transférés
d'une rue à l'autre par sept interlocuteurs différents, nous avions déniché le 472 où l'unique employée avait brandi un tampon et assené
violemment un cachet sur les timbres avec ostentation devant nos
mines réjouies.
A Medellín, ce fut un échec après 90 minutes
d'allers et venues en tous sens et des dizaines de grimaces
interrogatives. Même si nous laissions lire ces cartes pour prouver leur
importance, le dépit l'emportait sur la suspicion et nous étions envoyés au petit bonheur. Nous avons jeté l’éponge quand le dernier interlocuteur nous a menés dans un bureau ou Western Union côtoyait un
pseudo-472, et qu'il nous a été demandé 175.000 pesos en plus des
timbres pour envoyer une seule carte à Paris, pas plus loin (55 euros
environ). Paris, ça vous va ?
Si demain, l’aéroport n'est pas
plus efficace, nous apporterons nous-mêmes les cartes à Maman le 11 novembre.
A la relecture, je me demande si
c'est vraiment l'exemple qui convient à ma démonstration de survie, mais
tant pis, vous n'y avez vu que du feu.
Demain, nous partons à Panama city !