mardi 31 mars 2020

27 - Se plaire à vivre de rien ou presque

C'est la dernière page ! Grâce à la colonne de droite, commencez plutôt au début pour le premier voyage en 2017, ou au chapitre 17 pour le second voyage en 2020.


Les mangues

Bonnes nouvelles de Katchikiné : Alice n'y a pas acclimaté son petit virus.
Andréa, Quentin, Sarko et l'écureuil des bambous sont toujours fringants.

Évidemment, ils sont reclus, Katchikiné est déserté.
Les derniers clients se sont échappés derrière nous.
Les volontaires catalans se sont évaporés.
Andrès est sans emploi.
A Capurgana, les commerces alimentaires sont fermés l'après-midi. Allez-y à pied.
L'armée veille.

Reclus, c'est beaucoup dire.
Ils iront tester la nouvelle tente sur playa Maria à 5 km au sud de Kachikine.
(Kachikine, orthographe correcte, que je transcris volontiers par Katchikiné).
Ils n'y rencontreront personne.
Les plages sont un Éden précolombien.

Ils ont bon espoir que les manguiers y soient plus précoces que chez eux.
Alice a mangé toutes les petites bananes sucrées (ce n'est pas vrai, dit-elle !).
Heureusement prolifèrent les bananes plantains qui rissolent dans... un peu d'huile.
De l'huile, en reste-t-il ?



Les noix de coco ne manquent pas, est-ce une panacée ?
Les avocats pourront bientôt être cueillis.
Les trois ananas mûriront plus tard.



Les guanabanas-corossols sont sous surveillance : s'ils tombent, ils pourrissent dans l'instant. Quentin les secoue.
Dans votre assiette on croirait voir du poisson, la chair blanche et luisante est sucrée-acidulée. J'aime bien.
Las ! Leurs graines noires sont neurotoxiques et la pulpe elle-même induirait des formes atypiques de parkinson.
Les jus de Guanabana sont quand même un délice.

Secouer le guanabana !

Pour pêcher, il faut un bateau, pour le bateau il faut de l'essence, pour l'essence il faut des finances, pour les finances il faut des clients, pour les clients il faut pêcher...
Où est l'erreur ?

Tout cela vous laisse deviner que la vie dans le Darién a une simplicité aussi ancienne que la Création.
Il y a les sons et il y a les couleurs, il y a les parfums et les saveurs, il y a aussi les frissons.
C'est si vrai qu'un initié de notre équipe y parlait la langue des perroquets.

 La vidéo est disponible

Les avocats


Ce titi-là a chipé un citron



Un fruit de guanabana tout en haut à droite


C'est probablement la dernière page du blog, merci pour votre attention quotidienne. Ce fut un plaisir pour moi de revivre ces moments avec vous !
Imaginons que la suite ait lieu en 2022 ou 2023...

Auparavant 
2009 - L'Iran : http://www.lestroncsclairs.blogspot.com/ 
2010 - Le Tadjikistan : http://pamirapied.blogspot.com/
2012 - Le Kirghizistan : http://kirghizieapied.blogspot.com/
2014 - L'Arménie : http://armenieapied.blogspot.com/
2016 - L'Albanie : http://albanieapied.blogspot.com/
2018 - Le Tibet : https://royaumedukham.blogspot.com/

Pour leurs illustrations, la peinture : http://pierre.hurteaux.free.fr/






lundi 30 mars 2020

26 - Un nouveau monde


 L'art du hamac, un domaine vite assimilé, surtout si vous êtes fiévreux

Le journal de ce voyage est avant tout familial et amical. Vous ne vous étonnerez pas qu'une page soit consacrée à la plus jeune aventurière de l'expédition, une aventurière stoïque sous la fièvre tropicale, confiante face aux fureurs maritimes plus ou moins domptées par son oncle, et sereine devant les obsessions virales et géopoliticiennes de son entourage.


 Alice avait de tout autres sujets d'émerveillement.




A 5 ans trois quart, Alice avoue être " une grande voyageuse " qui aura bientôt bouclé son tour de monde. Comme les explorateurs des siècles passés, elle tient son journal de voyage où les impressions personnelles sont l'expression du ravissement : un cahier offert par sa marraine pour décrire et illustrer ce nouveau pays des merveilles, avec des rubriques dédiées à la faune, la flore, les us et coutumes, la géographie, tous sujets considérés comme "surprises du jour".

Le journal partagé



Les loisirs culturels


 Avec une élégance très roscovite, le sport !


Oui ! Le sport, vecteur de la mode jusque sous les tropiques.


La natation en sécurité... avec Maman bien sûr !


Le tuk-tuk en ville


Et le tuk-tuk en jungle


Un moment très peu apprécié, la douche !
Pourtant l'eau a chauffé toute la journée au soleil.



Être cobaye pour les tentatives de réinsertion sociale de Maman dans le Darien
(en cas de confinement) est aussi une épreuve capillaire quotidienne...



Un don pour les grimaces : toutes les pages du blog auraient pu en être illustrées.
Toutes les pages à plusieurs reprises !





PS
Crédit photographique Marie-Céleste






dimanche 29 mars 2020

25 - Diversité et diversion



A Capurgana, nous apprenons que les passagers qui traversent le golfe d'est en ouest sans retour sont... des migrants !




Or, ils ne ressemblent pas à des vénézuéliens exilés par millions.
Ils ne ressemblent pas non plus au profil que nous avons malheureusement en mémoire, ni syriens, ni afghans, ni las, ni déguenillés, sans le regard fiévreux qui allie fatalisme et espoir.
La perte de l'insouciance semble épargner les migrants de Capurgana.






 Le catamaran est le meilleur bateau pour traverser le golfe.
Nous avons eu la chance d'en bénéficier.

Qui sont-ils, ceux-là qui arrivent par la ligne régulière, noirs de peau, vifs et sains, souriants, hispanophones selon notre ouïe, parents d'enfants joueurs, affublés de bagages ?
Ils sont une énigme.

 Tous les bagages arrivent ensachés, témoignant des traversées "sous karcher"

 


Quentin nous dit qu'ils ont franchi l'océan, qu'ils fuient l'Afrique !
Ils auraient vécu au Brésil avant de reprendre leurs baluchons, de quitter le pays de Bolsonaro, de traverser en vitesse celui de Maduro, pour flemmarder en Colombie.
La Colombie, un pays qui s'en lave les mains assuré qu'ils ont en ligne de mire le nord des Amériques, tolère leur passage car ce n'est qu'un passage.

Les lanchas de Sapzurro

Les émigrés africains ont tous en tête une autre escale, le Panama.
Ils auront le choix entre les pirogues, à la merci des gardes-côtes panaméens, et les sentiers de la jungle où l'homme est plus dangereux que toute la faune réunie.

 Le sentier entre Kachikine et Capurgana

Et nous, nous parlons aussi de nos escales, de nos incertitudes, de nos impatiences, et de notre quête du Graal qui, vous le savez aussi bien que moi, commence à Brocéliande, à deux ou trois pas des tours de Moncontour, sous lesquelles j'ai vu le jour.
Pour faire simple, en ces temps de pandémie, nous rêvons tous de Bretagne.
J'en déduis qu'en sautant quelques générations, tout en courant le monde, le prince de Kachikine est un chevalier de la table ronde.
J'imagine qu'il me faudrait vous expliquer ce type de raisonnement, mais c'est tintin, j'en dis seulement le sens : c'est une diversion.
Je peux vous égarer, être fantaisiste, prétentieux, et ectoplasmique, la vérité, la vérité, je vous le dis, est que je n'ai pas de soucis.



Comme le fait remarquer Jean-Baptiste,
la carte colombienne est très fantaisiste, elle aussi.




Crédit photographique pour cette page (ce n'est pas la seule) : Marie-Hélène et Yvon.

PS : Sur le panneau qui vous accueille au débarcadère, vous pouvez lire PTN.

 PTN pour " Points Transitoires de Normalisation ",
c'est à dire 7 des 26 Zones Transitoires de Normalisation,
qui accueillaient la " dernière marche " des guérilleros
lors du " processus de démobilisation et désarmement de la guérilla des FARC ".

Si vous identifiez d'autres auto-collants politiques, prenez la parole.

samedi 28 mars 2020

24 - Les joies de la plage

Cabo Tiburón, à la frontière du Panamá

Vous avez des images d'eaux turquoise, de peau dorée, de cocktails frappés, tous adjectifs qui manquent d'imagination. Renoncez à vos stéréotypes !
Oui, c'est bien la mer des Caraïbes qui vous attend, mais ne vous contentez pas de votre exubérance naturelle, faîtes preuve... d'audace !
Vous allez en avoir besoin pour affronter les plages.
La mer est belle, c'est sa nature.  La nacre de l'écume réfléchit la lumière crue du zénith. Les rouleaux ronronnent comme des félins qui digèrent.
Voilà le décor en place. Le décor est-il toujours une illusion ?



En l'absence de sa mère et de sa grand-mère, Alice "gardait" son grand-père, qui jouait avec de petits cailloux alignés, sur la plage de l'Aguacate. Il lui avait attribué les blancs.
Puis il fut question d'aller nager. J'avais bien retenu qu'Alice devait porter le bandeau qui protège ses oreilles équipées de diabolos, et les brassards qui facilitent la flottaison.
Avoir l'oeil sur le bandeau et les brassards, ce n'est pas surveiller les vagues.
Une déferlante insidieuse et disproportionnée n'a fait qu'une bouchée des baigneurs inconscients, qui ont disparu ensemble dans les remous, avant d'être rejetés sans ménagements sur les galets.
Alice a apprécié cette expérience avec une nonchalance tout à fait admirable, à peine éraflée à la hanche gauche.
Si mon rythme cardiaque s'est affolé pendant sa disparition dans les remous, le sien ne bronchait pas lors de sa réincarnation : poumons ou branchies alternent chez elle avec beaucoup de naturel.
Sur le sable, mon genou ensanglanté ne recueillait qu'indifférence. "C'est pas grand chose".  J'en ai encore les marques, mais, bien sûr, Alice a toujours raison, et je ne suis pas pleurnichard.
Las, à l'Aguacate, ce jour-là, la baignade a cessé...



Dans la crique censée abriter l'embarcadère privé de Katchikiné, en cette saison ne s'aventurent ni nageurs, ni plongeurs, ni pêcheurs, encore moins les lanchas.
La crique fait face au nord.
La brouette qui porterait vos bagages sur le sentier sans dénivelé peut bien vous narguer, vous ne l'utiliserez pas, ni là, vous n'y débarquerez pas, ni sur le sentier effondré par les mules qui monte et descend de l'Aguacate  : c'est presque  une passerelle non carrossable de pierres instables, longée qu'elle est de deux fossés profonds.
Dans cette crique, tenter le bain n'est pas même envisagé...



Sur la plage BCBG (mais publique) accaparée par l'hôtelier allemand qui voisine avec Quentin, vous serez clients de Katchikiné. Ce sera votre identité.
Du fait de cette origine plébéienne, rappelez-vous la coopérative agricole, vous "ferez tache" parmi la clientèle huppée que reçoit l'hôtelier.
Malgré les injonctions de Quentin qui exige décence et style (mais oui !), sans scrupules vous porterez une casquette inversée et des tatouages pour affirmer votre différence.
Mais votre courage ira-t-il jusqu'à affronter les rouleaux sachant que les coraux qu'ils dissimulent sont des lames de rasoir ?
Vous attendrez la saison des pluies qui calme Poséidon, et ce n'est pas en mars...



Devant la piscine naturelle idéale pour Alice, vous aurez scrupules à garder les bras croisés.
Vous bâtirez un conteneur quadrilatère de troncs pour y accumuler les déchets vomis par les flots brisés.
Pulluler, verbe qui définit la présence des déchets, est un euphémisme.
Vous remplirez le conteneur à ras bord, le couvrirez de palmes esthétiques avant de ratisser le sable, de façon à ce que la nièce du prince s'ébroue dans l'eau avec grâce et contentement dans un cadre à sa mesure. Mais vous immergerez à peine vos chevilles (déformées par l'inclusion de filaments de verre, je vous le rappelle)...



Ah ! Quand même, vous marcherez pendant deux heures sur un sentier périlleux, puis d'interminables escaliers, dans la jungle étouffante, après avoir dû apprendre le nom des serpents, des araignées et des plantes carnivores dont c'est le royaume.
Loin du prince qui règne ailleurs, menacés en outre de rester à jeun toute la journée (confinement oui ou non ?), vous vous rendrez à Sapzurro où l'anse est protégée des fureurs du large et dépourvue de coraux, où le sable est propre et la compagnie accueillante.
Vous aurez enfin réussi à nager dans les eaux tièdes des Caraïbes.
Sans préavis, vous prendrez conscience de n'être qu'un passager entre deux horizons !

C'est un peu exagéré ce compte-rendu, car à l'Aguacate, quand sa mère est présente, Alice nage en toute quiétude, et nous aussi.







vendredi 27 mars 2020

23 - Kachikine


Kachikine, prononcez Katchikiné et n'oubliez pas que ce terme signifie "Dans le hamac", vous attend, presque immuable depuis notre séjour en 2017.

Vue sur la mer depuis la maison


La maison


La "cabane" où nous dormions en famille élargie à six


Le kiosque






jeudi 26 mars 2020

22 - Scénario pour une star


Elle trônait derrière son étal de bimbeloterie devant l'embarcadère de Sapzurro.
Et moi, je passais par là et je portais mes lunettes.
Ces circonstances qui sont une conjonction d'étoiles, quand on mélange dans un shaker toutes ces notions concrètes, Madame et sa bimbeloterie, en mars sur le quai déserté pendant la pandémie, après la tempête qui brise les lanchas, à Sapzurro et non au Panama, devant moi affublé de lunettes,... quand on les mélange on obtient une abstraction.
Je veux dire que cela n'aura plus jamais lieu dans l'histoire de l'humanité qui pourtant se répète, on nous le dit.
Donc c'était l'occasion ou jamais.




Grâce aux lunettes, je savais qu'elle avait à la fois les cheveux courts et une très longue et fine natte, le tout plus gris que noir.



Et grâce au "Hello", je savais qu'elle conversait en anglais aussi bien que moi.
Hi, I'm a french guy, I come for you from the other side of the ocean, though I'm sixty eight.
Ni une, ni deux : " I'm seventy two !".
Oh ! que je dis avec l'accent de Soho (ni de Piccadilly, ni de la City, faut pas exagérer).
Oh ! So pretty woman !
Euh... pour moi, Soho, c'est peut-être entre Traon Erc'h et la Grande Grève, pas plus d'un kilomètre de ma maison, covid oblige.
Bref, pour faire bonne mesure et respecter les traditions : I love you !
Elle a ri évidemment, en colombien évidemment.
Marie-Hélène, tu peux en témoigner !